Remise du prix Nobel d’économie à la jeune française Esther Duflo [中文]

Félicitations à Esther Duflo, plus jeune lauréate et 1ère française à remporter le prix Nobel d’économie aux côtés de Abhijit Banerjee, et Michael Kremer pour leurs travaux sur la réduction de la pauvreté dans le monde.

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La méthode utilisée

La méthode n’est en fait pas nouvelle en sciences sociales : elle a été utilisée dans les années 1960, pour évaluer les effets des mesures de la « guerre à la pauvreté » du président Lyndon B. Johnson à travers des expériences de ce type menées dans le New Jersey, mais aussi dans le domaine de l’éducation. Puis elle était tombée en désuétude, les économistes préférant baser leurs prescriptions sur des modélisations mathématisées à partir de statistiques – y compris la modélisation des comportements humains – plutôt que sur des expériences de terrain.

Elle connaît un renouveau dans les années en 1997-1998, lorsque le gouvernement mexicain teste à grande échelle son programme « Progressa », qui lie l’aide sociale aux familles pauvres à la fréquentation de l’école par leurs enfants. « Ce type de dispositif est utile, d’un point de vue politique, pour apporter aux décideurs et à l’opinion la preuve indéniable que telle ou telle mesure obtient, ou non, des résultats », observe François Bourguignon, fondateur de l’Ecole d’économie de Paris, où Esther Duflo fit ses études avant de partir aux Etats-Unis. « Je me souviens d’un jour où elle a débarqué dans son bureau en proposant de mesurer l’accroissement des inégalités dans les anciens pays communistes en comptant le nombre de ventes de BMW. » Son premier article marquant compare les comportements des Sud-Africains âgés bénéficiaires du versement d’une toute nouvelle retraite à ceux qui n’en bénéficient pas. « J’avais bien pensé qu’elle pourrait avoir le Nobel un jour, mais je ne pensais pas si tôt », avoue M. Bourguignon.

Améliorer les politiques publiques

Partant du constat de l’échec des « grands programmes » de lutte contre la pauvreté appliqués selon les mêmes modalités quelles que soient les réalités locales, le J-PAL, le laboratoire dans lequel travaille Esther Duflo et cofondé avec son mari Abhijit Banerjee en 2003, a systématisé les expériences de RCT dans ce domaine.

En observant de près les changements de comportement des populations face à une aide financière, une nouvelle technologie, une nouvelle réglementation, etc., il est possible, affirme le J-PAL, d’améliorer les politiques publiques. Le J-PAL compte aujourd’hui 180 chercheurs et cinq antennes implantées en Afrique du Sud, au Chili, en Indonésie, en Inde et en France consacrés à ce type d’expérimentations, menées le plus souvent en interaction avec les acteurs de terrain, mais aussi à la formation des experts chargés de leur évaluation. « C’est une technique économétrique qui permet de s’attaquer à la résolution de problèmes de terrain et d’améliorer le niveau de compétences des politiques publiques », observe Pierre-Cyrille Hautcœur, directeur d’études à l’EHESS.

Cette approche a conquis des sphères de plus en plus larges, tout d’abord dans le monde académique – Esther Duflo a reçu le prix du meilleur jeune économiste décerné par le Cercle des économistes et Le Monde en 2005, la médaille John Bates Clark en 2010, celle du CNRS en 2011, et désormais le Nobel.

Source : Le Monde

Dernière modification : 21/10/2019

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