Déclaration conjointe d’Emmanuel Macron et de XI Jinping, Président de la République populaire de Chine

Propos de M. Macron (Pékin, 06/11/2019)

(Seul le prononcé fait foi)

Merci beaucoup, Monsieur le Président de la République populaire de Chine.

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs les Ministres,

Mesdames, Messieurs les Parlementaires,

Mesdames, Messieurs, chers amis.

Je veux d’abord remercier le président Xi Jinping pour son accueil à Shanghai, ville dont je sais combien elle vous est chère, avant-hier et hier, et aujourd’hui à Pékin. Il y a entre nos deux pays, cette belle tradition commune d’hospitalité, dont découle un soin particulier dans les lieux choisis, de part et d’autre et à la Villa Kérylos, en mars dernier, vous aviez avec votre épouse eu l’amitié de nous rejoindre avant le début de cette visite d’Etat en France. Nous avons pu, hier à vos côtés, passer une formidable soirée au Jardin Yu, l’un des joyaux de la dynastie Ming. Et je dirais que dans tous les gestes symboliques qui ont émaillé ce voyage, j’ai senti l’amitié et le soin mis à un pays ami et je voulais vous remercier, Monsieur le Président.

Je vous remercie aussi d’avoir goûté, hier, à la Foire de Shanghai, des produits du terroir français. Et du vin français à la viande de boeuf, vous avez pu voir l’excellence de ces productions et beaucoup d’accords importants, j’y reviendrai, ont été signés et je suis confiant sur le fait que cet exemple sera suivi par beaucoup de Chinoises et de Chinois. J’ai pu tester par le passé déjà votre capacité prédictive sur les goûts de vos compatriotes. Je déplore de ne pas avoir le même pouvoir, mais en tout cas, c’est très efficace en ce qui vous concerne.

Lors du dîner d’hier, de notre dîner avant-hier, en inauguration de la Foire de Shanghai et dans les discussions d’aujourd’hui, nous avons pu faire le point, avancé sur beaucoup de sujets sur lesquels vous êtes revenu, et, au fond, sur ce partenariat stratégique global que nous voulons développer pour nos pays, avec ce même esprit de confiance, d’exigence et de responsabilité.

D’abord, sur le plan bilatéral, les acquis de cette visite d’Etat et la mise en oeuvre de notre feuille de route sont réels, substantiels et il y a presque deux ans que nous travaillons sur cette feuille de route. Je dois pouvoir dire qu’ici, les avancées sont véritablement structurantes. Dans les secteurs les plus importants de ce partenariat, vous y êtes revenu, il y a le nucléaire civil. La mise en service commerciale du premier réacteur EPR au monde à Taishan en décembre 2018, puis celle d’un second réacteur en juin dernier, sont des avancées décisives sur une coopération qui a vocation à se prolonger. Et l’accord qui est signé aujourd’hui sur l’usine de traitement recyclage permet de dégager un cadre clair pour finaliser nos travaux avec un délai, le 31 janvier prochain. Et maintenant des discussions entre les entreprises qui doivent se finaliser sur le prix et un lieu qui doit être trouvé. Nous avons aussi acté de notre volonté de finaliser les travaux sur les marchés tiers où nous sommes en commun comme sur les prochaines avancées et les prochaines tranches de Taishan.

Sur l’aéronautique, les évolutions sont également positives, notamment depuis votre visite en mars 2019, avec la signature justement de plusieurs accords, Airbus et la CASC, et les progrès importants enregistrés dans les processus de certification des produits aéronautiques, qu’il s’agisse des moteurs ou des avions ATR, ce qui confirme la dimension stratégique de ce domaine entre la France, l’Europe et la Chine. Il en est de même sur le domaine spatial. Nous avions, là aussi, avancé en janvier 2018 et nous avons poursuivi avec les accords signés aujourd’hui.

Sur l’agroalimentaire, nous avons là aussi enregistré beaucoup de progrès depuis deux ans, avec cette fois encore des avancées sur l’octroi d’agréments pour nos entreprises, la conclusion de deux nouveaux protocoles permettant la reprise des exportations sur la volaille, le lancement du processus d’enregistrement de 86 AOP viticoles et un travail qui doit nous permettre d’aboutir en 2020 sur la fameuse question du zonage, ô combien sensible pour nos filières. De nombreux accords sont également actés aujourd’hui entre nos entreprises dans l’ensemble des secteurs de ce partenariat : les énergies renouvelables, la ville durable, les transports, la santé, la prise en charge de la dépendance et de la petite enfance, l’innovation, le tourisme, le sport. Je l’ai dit hier dans mon intervention à la Foire de Shanghai, nous saluons et encourageons les annonces faites et les mesures prises sur l’ouverture de la Chine. Nos entreprises ont besoin, pour pouvoir investir et travailler ici, de ces améliorations en matière de concurrence équitable, d’accès aux marchés, de sécurité juridique, de transparence et de réciprocité, et je sais combien ce message est entendu, compris par la Chine, et combien vos engagements depuis deux ans sont tenus scrupuleusement avec des résultats tangibles.

Nous avons aussi parlé de plusieurs autres secteurs et établi un canal de discussions bilatérales pour les questions de technologie et de souveraineté, ce qui est un sujet important et un des acquis de nos discussions de ces derniers jours.

Je veux ici aussi saluer les avancées qui ont été faites dans le secteur financier. Plusieurs accords ont été signés. Ils sont l’application de votre engagement d’il y a maintenant un peu plus de deux ans à Davos, et la traduction en actes avec plusieurs accords qui concernent des entreprises françaises comme d’ailleurs d’autres entreprises européennes. Je réunissais il y a deux jours des entreprises françaises et allemandes. Je crois pouvoir dire que cela concerne ces grandes entreprises européennes dans l’ensemble et je veux saluer votre choix de retenir la place de Paris, pour la première émission d’obligations souveraines en euros depuis 2004, et de votre engagement dans la finance verte. C’est une marque de confiance à l’égard de notre place financière et une clarté de choix.

Une autre dimension très importante sur le plan bilatéral de cette visite, était la culture et je tiens à remercier le président Xi pour le soutien apporté au projet du Centre Pompidou West Bund de Shanghai, que nous avons inauguré hier et que nous avions évoqué en janvier 2018. C’est l’aboutissement d’un travail de longue date pour nos deux pays et qui, je crois, correspond très profondément à l’esprit qui nous unit, à cette amitié, et à ce geste inédit, c’est la première fois que le Centre Pompidou quitte l’Europe. C’est la première fois qu’un tel musée ouvre ses portes et pourra exposer les plus grandes oeuvres du XXème siècle pour le public chinois. À l’occasion de cette visite, nous avons aussi voulu amplifier cette dynamique, nous approfondissons notre coopération sur le patrimoine dans les lieux qui sont les plus chers à nos pays, notamment l’armée enterrée de Xi’an qu’il m’avait été donnée de voir là aussi en janvier 2018. Des projets portés par nos grandes institutions culturelles : le château de Versailles, le Musée Picasso, la Fondation Giacometti, le Musée Rodin, les Rencontres d’Arles, le Palais de Tokyo, par notre théâtre, notre cinéma, notre littérature, notre bande dessinée, sont aussi aujourd’hui scellés, qui marquent des avancées structurantes. Et nous préparons d’ores et déjà cette année 2021 Chine-France pour le tourisme culturel avec des rendez-vous importants qui permettront de parachever ces alliances, de lancer aussi des productions cinématographiques de la première importance. Nous l’évoquions hier soir, Astérix va connaître les routes de la soie et permettre de partager nos imaginaires les plus populaires entre nos deux pays, et plusieurs projets de coproduction cinématographique, musicale, d’événements de première ampleur seront déployés à cette occasion.

Deuxième grand axe que je voulais évoquer au-delà de la relation bilatérale, c’est le caractère stratégique du partenariat sino-européen pour le XXIème siècle. Nous avions, lors de la visite d’Etat du président Xi Jinping à Paris en mars dernier, pris une décision structurante ensemble et je dirais innovée en associant à cette rencontre la chancelière Merkel et le président Juncker. Nous avons ainsi ouvert les voies d’une coopération nouvelle, d’un cadre nouveau dont nous avons d’ailleurs poursuivi les avancées et dont je souhaite que l’un des points d’horizon soit l’année prochaine, le sommet de Leipzig entre l’Union européenne et la Chine au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement. La Chine et l’Europe portent la même volonté d’une mondialisation ouverte, vous l’avez rappelé, Monsieur le Président, qui a permis l’extraordinaire ascension de la Chine dans l’économie mondiale au cours des dernières décennies. L’ouverture nécessite la définition des règles du jeu définies par tous, appliquées par tous, et adaptées à la réalité des équilibres contemporains. C’est le sens de la réforme de l’Organisation mondiale du commerce que nous appelons de nos voeux pour que le multilatéralisme commercial réponde aux distorsions apparues dans l’économie mondiale et qui ont entraîné une montée des inégalités, des déséquilibres profonds et qui expliquent la montée des tensions et la contestation du système international dans lequel nous avons évolué ces dernières années. Je souhaite donc que la Chine et l’Union européenne puissent avancer ensemble sur la réforme de l’Organisation mondiale du commerce dans les prochaines semaines et qu’avant le prochain G20, nous puissions acter d’avancées portées en commun.

Un travail a été engagé hier, en marge de la Foire de Shanghai. Il doit s’accélérer, en particulier sur la question des subventions et de la transparence.

La Chine et l’Europe partagent aussi le même refus de la guerre commerciale qui ne fait que des perdants. J’ai donc souligné auprès du président Xi mon souhait que les discussions en cours entre les Etats-Unis et la Chine permettent rapidement un apaisement des tensions et prennent pleinement en compte les intérêts du grand partenaire commercial de la Chine qu’est l’Union européenne. En mars, nous nous étions mis d’accord sur le fait que ce partenariat devait être exemplaire et permettre de démontrer que l’esprit de coopération aboutit à des résultats tangibles, notamment dans le domaine économique et commercial. La conclusion de l’accord sur la protection des indications géographiques entre l’Union européenne et la Chine est à cet égard un aboutissement décisif qui bénéficiera très directement à nos producteurs et qui ouvre une dynamique pour, là aussi, permettre de nouveaux chantiers. Et je souhaite que lors du sommet Union européenne-Chine en 2020, nous puissions conclure un accord ambitieux sur la protection des investissements. Sur cette dimension économique et commerciale, nous avançons donc là aussi dans ce cadre sino-européen.

J’ai évoqué également avec le président Xi Jinping ma volonté de bâtir une souveraineté européenne plus forte et je crois très profondément que c’est aussi l’intérêt de nos grands partenaires d’avoir comme interlocuteur une Europe unie et forte face aux grands enjeux contemporains, avec toujours ce souci de recréer des liens d’équilibre, de rester ouvert aux investissements et aux échanges. Cette souveraineté européenne, nous la construisons d’abord pour nous-mêmes, comme la Chine l’a toujours fait, et c’est le sens de l’agenda que nous portons sur les investissements stratégiques et les infrastructures critiques. Je soutiens pleinement les priorités de la nouvelle présidente de la Commission sur ces sujets. Cette souveraineté européenne ne se construit pas contre les autres. Les investissements étrangers sont les bienvenus en Europe, sans discrimination, dans le plein respect de nos intérêts de souveraineté et de sécurité. Et là aussi, notre échange stratégique a permis d’inaugurer un cadre de discussion et un échange extrêmement structurant sur ce sujet. Cette souveraineté européenne implique également, dans le plein respect de celle de nos partenaires, que nous restions fidèles à nous-mêmes, en abordant dans notre dialogue les préoccupations qui sont les nôtres en matière de droits de l’homme et de libertés fondamentales. Et c’est ce que nous avons fait avec le président, comme nous l’avions fait en mars dernier dans le cadre d’un échange à la fois franc et pleinement respectueux. Cette confiance entre l’Europe et la Chine, qui nous permet d’aborder tous les sujets dans un esprit constructif, est essentielle si nous voulons reconstruire ensemble un multilatéralisme efficace et adapté aux enjeux contemporains.

Je veux ici saluer votre engagement, Monsieur le Président, sur nombre de ces sujets et l’esprit de sérieux et d’engagement que je peux mesurer depuis un peu plus de deux ans. Nous sommes appelés à cette coopération et nous avons su les conduire, d’abord dans notre capacité à équilibrer les relations dans toute la région, qui est structurée par la stratégie européenne de connectivité et l’initiative des routes de la soie. Nous avons renforcé la coordination, le partenariat, la signature, en particulier entre nos banques de développement. Notre volonté de verdir cette stratégie en commun est un élément extrêmement structurant avec, là encore, des avancées concrètes aujourd’hui.

Deuxièmement, les sujets du climat et de la biodiversité sont aussi au coeur de cet agenda multilatéral commun. Je souhaite aussi que nous puissions obtenir, lors du sommet Union européenne-Chine, qui se tiendra quelques semaines avant la COP de Glasgow, des résultats très concrets sur ce sujet. J’en vois deux. En matière de lutte contre le réchauffement climatique, depuis deux ans, nous avons constamment agi ensemble, avec beaucoup d’efficacité et d’engagement. Je déplore les choix qui sont faits par quelques autres. Mais je veux les voir comme des choix marginaux parce que quand la Chine, l’Union européenne, la Russie qui a ratifié il y a quelques semaines les accords de Paris, s’engagent avec fermeté, le choix isolé de tel ou tel autre ne suffit pas à changer le cours du monde. Il ne conduit qu’à marginaliser. Sur le climat, nous nous engageons sur le chemin d’un rehaussement du niveau d’ambition, de la définition des stratégies de long terme pour atteindre la neutralité carbone, l’alignement de nos financements extérieurs avec les objectifs de l’Accord de Paris, la mise en oeuvre du protocole de Kigali sur les gaz HFC. Et je veux, en la matière, saluer ici le plan adopté par la Chine en juin sur l’efficacité énergétique dans le secteur du refroidissement, qui est un pas très important. Nous actons aujourd’hui d’une feuille de route encore ambitieuse en la matière et je souhaite que d’ici notre sommet de 2020, l’Europe puisse prendre les décisions qui relèvent d’elle-même, nous puissions poursuivre nos échanges stratégiques pour prendre une nouvelle série de décisions structurantes en la matière pour le rehaussement de nos engagements et la stratégie neutralité carbone 2050.

Deuxième volet, à côté de la lutte contre le réchauffement climatique, c’est l’impulsion forte que nous souhaitons donner ensemble en matière de lutte pour la biodiversité. En vue du Congrès mondial de l’UICN à Marseille en juin et de la COP de Kunming en octobre 2020. J’étais, il y a quelques jours, dans l’océan Indien aux côtés des scientifiques. Et je sais qu’ils attendent beaucoup de la Chine et de la France pour réussir ce rendez-vous absolument crucial. Nous avons aujourd’hui dégagé des points de convergence très importants sur la protection et la restauration des écosystèmes, la création d’une aire marine protégée en Antarctique, la protection de la biodiversité en haute mer ou encore la lutte contre la pollution plastique des océans. C’est une base très solide qui donne le ton de l’engagement commun que nous allons porter ensemble dans les prochains mois, pour mobiliser la communauté internationale. Et là aussi, je veux saluer la responsabilité que prend la Chine en organisant cette COP15 pour la biodiversité, et vous dire l’engagement complet et le soutien de la France pour que ce soit un plein succès.

Enfin, en tant que membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, nous avons bien sûr évoqué l’ensemble des crises internationales. Sur la Corée du Nord, je sais pouvoir compter sur l’esprit de responsabilité de la Chine pour parvenir à un désarmement véritable, vérifiable, complet et irréversible de la péninsule. Je sais aussi votre engagement pour que l’équilibre et la stabilité de la péninsule soient constamment maintenus. Les pourparlers de Stockholm n’ont pas permis d’avancer à ce stade et il est clair que toute nouvelle provocation doit être évitée et les discussions doivent pouvoir reprendre sur une base solide. Sur l’Iran, alors que de nouvelles mesures viennent d’être annoncées en violation de l’accord de Vienne de 2015 dont la Chine et la France sont, avec les Européens et la Russie, les garants, nous sommes convenus d’approfondir nos efforts conjoints pour que l’Iran revienne en conformité avec le JCPoA et respecte pleinement ses obligations nucléaires. Je remercie la Chine pour le soutien apporté à l’action de la France en faveur d’une désescalade et de la reprise des négociations élargies au programme nucléaire iranien après 2025 et aux questions régionales. Sur ce sujet aussi, nous allons poursuivre les coopérations diplomatiques et techniques afin, non seulement de parvenir à stabiliser la situation, mais permettre aussi d’obtenir dans toute la région la stabilité à laquelle nous voulons oeuvrer l’un et l’autre.

Voilà l’ensemble des échanges que nous avons eus sur cet agenda de confiance et de responsabilité qui est le nôtre, qui nous permet d’avancer de manière très régulière, étape par étape. Nous avons eu beaucoup d’autres discussions plus larges, je dirais plus profondes, tant nous avons à apprendre encore l’un de l’autre, mais je dois le dire, avec constamment ce même souci de respect et d’amitié.

Et Monsieur le Président, je veux voir dans le temps que vous avez accordé à la France, à mon épouse et moi-même, avec votre épouse, à notre délégation, dans le soin que vous avez mis à la préparation de cette visite, de nombreux accords signés, et dans la profondeur des échanges que nous avons pu avoir, la conscience aiguë du fait que nos deux peuples ont aujourd’hui une responsabilité toute particulière, et dans le fait que notre amitié a, je le crois, le rôle de ciment et une capacité à répondre à quelques-uns des multiples défis profonds que traverse notre temps.

Je vous remercie très profondément Monsieur le Président./.

Dernière modification : 30/01/2020

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